Résumé
Sous l’occupation allemande, les trains continuent à circuler en Belgique. Comment pourrait-il en être autrement ? Pendant la Seconde Guerre mondiale, la SNCB constitue à la fois la plus grande entreprise et le principal service public du pays. Ce mastodonte assure dans une très large mesure l’approvisionnement en matières premières et en denrées alimentaires, tenant ainsi entre ses mains le sort de la population et de l’industrie.
Pour ce faire, la SNCB n’a d’autre choix que de coopérer avec la puissance occupante. Mais bien vite, la situation dégénère. Entre 1941 et 1944, les chemins de fer belges participeront à la déportation de 189 542 travailleurs forcés, 25 490 Juifs, 16 081 prisonniers politiques et 353 Tsiganes vers l’Allemagne et les camps de l’Est.
Nico Wouters – historien de guerre et directeur du CegeSoma/ Archives de l’État – analyse la politique de coopération de la compagnie ferroviaire belge, sans éluder aucune question. Qui a pris les décisions ? La SNCB a-t-elle effectué des missions militaires pour les Allemands ? L’entreprise a-t-elle été payée pour les trains de déportation ? Y avait-il des marges de négociation et, si oui, quel usage en a-t-on fait ? Quel rôle ont joué les nombreux groupes de résistance au sein de la société ?
Malgré les protestations et l’opposition croissantes, des trains ont continué à circuler pour le compte des Allemands presque jusqu’au dernier jour de la guerre. Quel regard portons-nous sur ce phénomène avec nos connaissances actuelles ? Il ne peut être question de brosser un tableau en noir et blanc, car cette page de l’histoire n’a pas grand-chose à voir avec la collaboration. Cela la rend d’autant plus intéressante, car c’est précisément dans les zones grises que se situent les choix les plus difficiles, et donc les enseignements les plus pertinents.
La SNCB se trouve impliquée dans la politique de répression nazie et dans la fourniture de matériel militaire. L’immense offensive contre l’Union soviétique, à partir de juin 1941, est tributaire d’un approvisionnement efficace par voie ferrée, et le réseau belge y contribue aussi. La SNCB devient ainsi l’exemple peut-être le plus éloquent de ce que l’on appelle en Belgique la « politique du moindre mal ». Cette coopération se distingue fondamentalement de la collaboration. Elle a pour objet de défendre les intérêts belges et doit, en théorie, rester dans les limites du droit belge et du droit international de la guerre. En théorie, car il apparaît bien vite que cette coopération avec la puissance occupante donne lieu à de terribles dilemmes au cours de la guerre. »
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