Résumé
Au XIXe siècle, Paris avait encore des aspects bucoliques. Jusqu’au milieu du siècle, des maraîchers cultivaient dans l’enceinte de la capitale et la ville était cernée par deux « arrondissements ruraux », celui de Saint-Denis au nord, et de Sceaux au sud. Hors les murs, c’était la campagne, en relation constante avec le marché parisien, hautement valorisant et intensément fréquenté. On produisait de tout autour de Paris : des fruits et légumes de toutes sortes, des plus simples (les légumes pour la soupe de la Plaine des Vertus), aux asperges fines, même en plein hiver, fraises délicates et pêches renommées (la pêche de Montreuil).
Cette abondance faisait penser à un « jardin d’Eden ». Mais la base de culture était céréalière car la capitale ne devait jamais manquer de pain afin d’éviter les disettes et prévenir les émeutes qui avaient tant marqué les temps révolutionnaires. Les gouvernements successifs étaient donc très soucieux de faire une politique économique qui assure l’approvisionnement de Paris dans les meilleures conditions, celle de « l’échelle mobile », entre protectionnisme et libéralisme.
Les cultivateurs de la Seine étaient très majoritairement de petits propriétaires-récoltants. Avec des trésors de savoir-faire et une main- d’oeuvre industrieuse, ils tiraient de quelques arpents de quoi garnir les tables des Parisiens de toutes conditions sociales. Ils ont su résister longtemps à la pression foncière et à l’appel de l’industrie. Cette symbiose ville-campagne peut apparaître comme un modèle de gestion raisonnée de l’environnement, à l’heure où se pose la question des circuits courts de distribution et où les jardins urbains renaissent de façon à remettre le producteur tout près du consommateur.
Christiane Cheneaux-Berthelot est docteur de Sorbonne Université et chercheur associé au Centre Roland Mousnier. Ses travaux portent sur l’histoire rurale, notamment sur les échanges économiques, sociaux et culturels entre monde rural et monde urbain.
Collection Kronos.