Résumé
Dans Architecture de la contre-révolution Samia Henni analyse les politiques en matière d’urbanisme et d’architecture mises en oeuvre par l’Etat colonial français pendant la longue guerre d’indépendance algérienne (1954-1962) au croisement des vastes opérations militaires contre-insurectionnelles menées sur l’ensemble du territoire algérien. Tout au long de ce violent conflit armé, les autorités civiles et militaires françaises ont profondément réorganisé le vaste territoire urbain et rural de l’Algérie, transformé radicalement son environnement bâti, construit de nouvelles infrastructures en un temps record et implanté de manière stratégique de nouveaux centres de population afin de maintenir l’Algérie sous domination française.
Cet ouvrage montre de façon documentée et précise comment le régime colonial a planifié et mis en oeuvre des programmes de démolition tactique, et développé de nouvelles structures afin de faciliter le contrôle étroit de la population algérienne et la protection des communautés européennes en Algérie. Le travail de Samia Henni se concentre sur la teneur politique de trois stratégies spatiales contre-révolutionnaires interconnectées : le déplacement forcé massif de paysans algériens ; les programmes de logement de masse conçus à destination de la population algérienne dans le cadre du Plan de Constantine du général de Gaulle ; et la nouvelle ville administrative fortifiée censée permettre la protection des autorités françaises pendant les derniers mois de la Révolution algérienne.
L’autrice s’applique à décrire le modus operandi de ces stratégies spatiales, leurs racines, leur évolution, leur portée et leurs effets, ainsi que les acteurs, les protocoles et les logiques de conception qui les sous-tendent. Les chapitres de ce livre ne prétendent pas offrir un panorama exhaustif des 94 mois de destruction et de construction qui caractérisèrent la guerre menée par la France en Algérie ; ils ne cherchent pas non plus à fournir une description et une analyse exhaustives de tous les édifices construits ou détruits par les autorités coloniales françaises pendant la Révolution algérienne.
L’ouvrage cherche plutôt à enquêter sur les pratiques coloniales de la France telles qu’elles s’incarnent dans des instruments juridiques, des opérations militaires et des projets architecturaux, et à mettre en lumière le rôle respectif d’une série d’officiers, de technocrates, d’architectes, de planificateurs et d’ethnologues dans la création architecturale (au sens large du terme) tout au long de cette sanglante guerre d’indépendance.
Samia Henni est née à Alger, en Algérie. Architecte, historienne et théoricienne de l’architecture, elle travaille au carrefour de l’architecture, de l’aménagement du territoire, et de l’étude des pratiques coloniales et des opérations militaires du début du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Elle a obtenu son doctorat en histoire et théorie de l’architecture à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, ETH de Zurich) et été distinguée par la médaille de l’ETH. Samia Henni est actuellement enseignante et chercheuse en histoire et théorie de l’architecture et de l’urbanisme au département d’architecture de l’université de Cornell aux Etats-Unis.
Traduction de Marc Saint-Upéry.
Détails produit : broché.