Résumé
L’utopie a mauvaise réputation, et le mot est maudit ! Dire « Ceci est une utopie ! » signifie : « Cela ne tient pas debout, c’est absurde ». L’utopie est sans doute le seul domaine de la pensée sociale, politico-littéraire, dont, jusqu’à nos jours, la quasi-totalité des historiens ont été des critiques acerbes. En France, la plupart d’entre eux, de Raymond Ruyer à Cioran, et de Jean Servier à Gilles Lapouge, sont des anti-utopistes ou, du moins, insistent sur les aspects négatifs de l’utopie, que tous traitent comme un véritable travers de l’esprit social abstrait, se manifestant dans une continuité qui embrasse le messianisme et le millénarisme.
Le crime de l’utopie est de vouloir se substituer au domaine de Dieu. Mais, pour la pensée dégagée des fétiches divins, c’est précisément là le mérite de l’utopie, de se poser le problème, proprement humain, de changer le monde par ses propres forces et moyens. Et nos anti-utopistes de mettre le doigt sur ce que l’utopie est rupture fondamentale avec les messianismes et les millénarismes, qui attendent un monde meilleur, soit promis par un dieu, soit réalisant une fin lumineuse au temps des misères vécues du monde de l’histoire.
Il y a, certes, une différence entre ces deux conceptions de la fin des temps. Les messianismes sont passifs, ils incitent à la patience, c’est-à-dire à accepter de subir les pires oppressions en attente de la réalisation d’une promesse, toujours renvoyée en avant, comme la carotte qui fait marcher l’âne. Les millénarismes ont eu d’abord la même fonction. Mais au sein de la religion chrétienne, où la promesse de « salut » s’est faite individuelle et est renvoyée au-delà de la mort, les millénarismes sont devenus hérétiques et ont pu acquérir une certaine potentialité révolutionnaire.
Ouvrage écrit par Michel Lequenne.
Détails produit : broché, grand format.