Résumé
A la fin du XVIIIe siècle, le Français Joseph Kabris a vécu sept ans sur une île du Pacifique. Il s’est intégré à la société locale. Arraché à son île, il est devenu russe, avant de regagner la France. Là, il a donné à sa vie les traits d’une épopée, devenant le monde en personne. Comprendre comment on devient Joseph Kabris : voici l’enjeu de ce texte foisonnant et ambitieux. Joseph Kabris est tatoué de la tête aux pieds.
C’est ainsi qu’il gagne sa vie dans les lieux de spectacle et d’exhibition de la Restauration, montrant son corps et mettant en mots l' » étrange destinée » qu’il a eue. Né à Bordeaux vers 1780, embarqué sur un baleinier anglais, il a vécu sept ans sur une des îles Marquises, Nuku Hiva. Parmi les » sauvages « , il est devenu l’un d’eux. Il a appris leur monde, leurs gestes, leur langue et oublié la sienne.
C’est là qu’il a été tatoué. En 1804, une expédition russe est venue et l’a arraché à son île, à sa femme et à ses enfants. Sans cesser tout à fait d’être un » sauvage « , il est devenu russe, a rencontré le Tsar, avant de regagner la France. Il a repris sa langue, il a appris à dire sa vie, à lui donner les traits d’une épopée. Il a fasciné les foules. Il est devenu le monde en personne. Il est mort à 42 ans, sans jamais revoir son île.
Kabris a ainsi multiplié les recommencements, ne cessant de voir ses habitudes s’abolir et d’en reprendre d’autres. Il devient marin, chef de guerre, professeur de natation, homme de foire, recyclant les passés qu’il a incorporés, prenant appui sur les systèmes sociaux où il se trouve. Et, chaque fois, il tire parti de ce qu’il a déjà vécu pour négocier au mieux ce qu’on attend de lui. Dans cette enquête fascinante et troublante, il ne s’agit pas seulement de découvrir à hauteur d’homme une histoire de la mondialisation dont émergent nos sociétés contemporaines.
Cheminer dans cette existence se faisant, l’explorer à la manière d’une » carrière » dans laquelle Kabris s’engage, bifurque, insiste, abandonne ou se convertit, comprendre en somme comment on devient Joseph Kabris, c’est aussi saisir la manière dont le monde historique traverse une vie et la rend possible.
Christophe Granger est historien, maître de conférences à l’université Paris-Saclay et membre du Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (Paris 1/CNRS). Il est rédacteur en chef de la revue 20 & 21. Revue d’histoire et membre de la rédaction de Zilsel. Science, technique et société. Il a, entre autres, dirigé ou codirigé les ouvrages : Histoire par corps. Chair posture charisme (Presses universitaires de Provence, 2012), L’Ennui. Histoire d’un état d’âme, 19e-20e siècles (avec P. Goetschel, N. Richard et S. Venayre, Publications de la Sorbonne, 2012) et A quoi pensent les historiens ? (Autrement, 2013). Il a notamment publié Le vase de Soissons n’existe pas & autres vérités cruelles sur l’histoire de France (avec Victoria Vanneau, Autrement, 2013), La Destruction de l’université française (La Fabrique, 2015) ; aux éditions Anamosa, il a dirigé et préfacé la réédition de Carl Sandburg, Les Emeutes raciales de Chicago.
Juillet 1919 (2016), est l’auteur de La Saison des apparences. Naissance des corps d’été (2017) et dirige la collection » Le mot est faible « .
Détails produit : livre broché.